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Un cabaret Hamlet / Shakespeare-Müller-Langhoff

 

En manteau rouge, le matin traverse

La rosée qui sur son passage paraît du sang

ou HAM. AND EX BY WILLIAM SHAKESPEARE

 

Traduit de l’allemand par Irène Bonnaud

Disponible sur demande

 

Mise en scène : Matthias Langhoff (Théâtre National de l’Odéon)

 

«  J’ai traduit le texte de Shakespeare en allemand il y a maintenant trente ans, avec Heiner Müller. Shakespeare, c’est de la langue. Ici, la traduction littérale, le mot à mot, est le sol où pousse toute transposition poétique. C’est comme avec les arbres : si on les transplante d’un terrain à un autre, ils s’étiolent ou se déforment quand le sol ne veut pas donner ce dont l’arbre a besoin. La base du montage pour mon spectacle est le texte allemand. Les règles du français littéraire font obstacle à la traduction de Shakespeare en français. Cette langue qui fut sciemment fabriquée pour reléguer sa propre mère au second plan de la culture et pour assujettir le cerveau des enfants à la loi du père, à la patrie, est incompatible avec les textes de Sakespeare, et pas seulement avec ceux-là. C’est la langue d’une nation et pas d’un paysage habité par un peuple. Une langue sous surveillance est une langue qui n’est pas libre. Je crois qu’il est temps d’écrire un autre français, comme Koltes l’a fait ou Beckett. Pour aller repêcher le texte hors de la prison du règlement et pour lui rendre sa poésie, pour le prendre au mot, il faut du temps et de la patience. Nous n’en avions pas suffisamment. Le travail continue, jour après jour. »

Matthias Langhoff, traduit de l’allemand par Irène Bonnaud

 

Prologue

Eclair, tonnerre, nuit : musique

Ophélie       

Qu’est-ce que ça signifie, Mylord ?

 Hamlet

C’est un mic mac meurtrier, ça signifie du malheur.

Und ein Wind aus den Ruinen

Singt die Totenmesse ihnen

Die dereinst gesessen hatten

Hier in Häusern. Große Ratten

Schlüpfen aus gestürzten Gassen

Folgend diesem Zug in Massen

Hoch die Freiheit, piepsen sie

FREIHEIT und DEMOCRACY!

Horatio

Quand Rome était au sommet de sa gloire,

Juste avant la chute du puissant César,

Les tombes étaient vides, les morts en linceuls

Partis brailler et gémir dans les rues de Rome

Rosée sanglante, comètes, soleil sale,

Et une lune humide,

Dont l’influence fonde l’empire de Neptune,

Malade d’obscurcissement comme au jugement dernier.

Cet avant-goût du désastre

Comme un messager qui précède le destin

Prologue du malheur à venir

Ciel et terre l’infligent à présent 

A nos climats et à notre peuple.

Une femme en uniforme entre sur un cheval.

Femme        

C’est toi Horatio ?

 Horatio        

Un morceau de lui.

Femme

Je te salue, Horatio.

Horatio        

La chose s’est-elle encore montrée cette nuit ?

Femme        

Je n'ai rien vu.

Horatio        

Bah, elle ne viendra pas.

Femme        

La nuit dernière, lorsque cette étoile s’est levée à l’ouest du pôle

Pour éclairer cette part du ciel où elle brille à présent,

La cloche sonnait une heure…

Foudre, tonnerre, nuit : musique. Une chose nue, en armure cabossée, s’approche furtivement et cherche à manger dans une poubelle.

Regarde par là, ça revient.

La chose (chante)

“Welcome to hell no pity here”

Horatio

La forme exacte du roi qui est mort.

Femme        

Tu as étudié, parle-lui, Horatio.

Horatio        

Je tremble d’effroi et de stupeur.

Femme        

Ça veut qu’on lui parle. Questionne-le, Horatio.

Horatio        

Qu’es-tu, toi qui usurpes ce temps de la nuit

Et l’apparence noble et guerrière que revêtait sa majesté

L’enterré Danemark

Pour parader avant sa mort ?

Par le Ciel, je t’en conjure, parle !

La chose disparaît.

Femme

C’est offensé. Regarde, ça s’enfuit.

Horatio

Reste ! Parle, parle, je t’en conjure, parle.

Femme

Parti, et ça ne veut pas répondre. 

Alors, Horatio ? Tu trembles et tu as l’air pâle.

 

Développé avec Berta